Un nouveau jour 3
La cuisine était plongée dans une pénombre douce, les néons éteints, seule la veilleuse du frigo jetant une lueur orangée sur les coussins éparpillés. Les cinq amis s'étaient traînés jusqu'au dortoir commun, un grand dortoir aux lits superposés grinçants, avec des rideaux élimés qui ne fermaient jamais complètement. L'odeur de pizza froide collait encore à leurs vêtements, et le silence de la nuit était rompu par les ronflements légers d'Olivier, déjà affalé sur le lit du bas comme un ours en hibernation.Tom, allongé sur le lit supérieur en face, fixait le plafond. Impossible de dormir. Son corps vibrait encore de l'adrénaline du jeu, des rires, des regards échangés. Et puis il y avait cette phrase de Martin – « un charme de héros discret » – qui tournait en boucle dans sa tête. Il remua, le drap froissé sous lui, et murmura dans l'obscurité :« J'ai la gaule… »Un éclat de rire étouffé explosa immédiatement. Max, sur le lit d'à côté, se redressa sur un coude, les cheveux en bataille. « Attends, t'as dit quoi là ? »Léo, qui faisait semblant de dormir en bas, ricana dans son oreiller. « Il a dit qu'il bandait, Max. T'es sourd ou quoi ? »Olivier, réveillé en sursaut, rota bruyamment., puis se mit à rire si fort que le lit trembla. « Putain, Tom ! T'as encore mangé de ma sauce ou quoi ? »Martin, du lit le plus éloigné, se tourna vers eux, les yeux brillants dans la pénombre. Il avait un sourire en coin, mi-gêné, mi-taquin. « T'as pas vu tout nus, Tom. Un sacré tombeur, » lança-t-il d'une voix basse, mais assez forte pour que tout le monde l'entende.Un silence lourd s'installa une demi-seconde, puis la pièce explosa.Max bondit de son lit, torse nu, en boxer à motifs de pizzas – un cadeau ironique d'Olivier. « Attends, attends, attends ! Martin, t'as dit ÇA ? T'es en feu ce soir ! »Léo se redressa, hilare. « Martin, t'es officiellement le roi de la vanne. Tom, t'es rouge comme une tomate là-haut, je le vois d'ici. »Tom, effectivement cramoisi, se cacha le visage avec son oreiller. « Taisez-vous, bande de débiles ! C'est votre faute, avec vos jeux débiles et vos danses ridicules ! »Olivier, toujours prêt à en rajouter, se leva d'un bond et fit mine de baisser son short. « Bon, si on parle de tout nus, autant vérifier les faits, non ? Scientifiquement parlant. »« NON ! » hurlèrent Léo et Max en choeur, mais ils riaient trop pour être crédibles.Martin, enhardi par l'ambiance, se leva à son tour. Il était en t-shirt trop grand et en jogging, les cheveux en bataille, mais il y avait quelque chose de différent dans son regard ce soir – une assurance qu'il n'avait pas avant. Il s'approcha du lit de Tom, grimpa sur l'échelle, et s'assit au bord, juste à côté de lui.« T'inquiète, Tom, » murmura-t-il, assez bas pour que les autres n'entendent pas tout. « T'es pas le seul à pas dormir. »Tom leva les yeux. Martin était tout près. Trop près. Il pouvait voir les taches de rousseur sur son nez, la courbe de ses lèvres quand il souriait comme ça – un sourire qui n'était plus timide, mais… autre chose.En bas, Max chuchotait à Léo : « Regarde-les. Y'a un truc. »Léo hocha la tête, un sourire en coin. « Laisse-les. »Olivier, qui avait déjà oublié sa blague, s'était rendormi en ronflant.Martin posa une main sur l'épaule de Tom, doucement. « T'as dit que t'avais la gaule. Moi, j'ai dit que t'étais craquant. On est quittes, non ? »Tom déglutit. « T'es sérieux là ? »Martin haussa les épaules, mais ses yeux ne riaient plus. « Peut-être. »Un silence. Pas gênant. Juste… chargé.Puis Max, incapable de se taire, lança depuis son lit : « BON, ON DORT OU ON FAIT UN STRIP-POKER ? »Léo lui jeta son oreiller à la figure. « Ferme-la, Max. »Mais Tom et Martin éclatèrent de rire en même temps, et la tension se dissipa – pas complètement, mais assez pour que la nuit reprenne son cours.Tom murmura, juste pour Martin : « Demain. On parle. Vraiment. »Martin hocha la tête. « Demain. »Et pour la première fois depuis longtemps, Tom ferma les yeux sans que son coeur cogne dans sa poitrine.Dehors, la lune brillait sur le campus endormi. Dedans, cinq amis respiraient au même rythme – un peu plus proches qu'hier.
