Un nouveau jour 4
Le soleil matinal filtrait à peine à travers les rideaux élimés du dortoir, jetant des rayons timides sur les lits superposés où les ronflements d'Olivier faisaient encore vibrer l'air. Dans la salle de bain commune, un brouillard de vapeur flottait, l'odeur de savon bon marché se mêlant à celle du dentifrice. Tom, une serviette blanche nouée autour de la taille, se tenait devant le miroir embué, les cheveux humides collés au front. Il passa une main sur la glace pour y voir son reflet, mais son esprit était ailleurs – sur cette conversation promise avec Martin, sur ce regard échangé la veille, sur ce foutu « concours spécial » qui avait mis le dortoir en ébullition.La porte de la salle de bain s'ouvrit à la volée, et Max fit irruption, torse nu, son boxer à motifs de pizzas toujours fièrement porté comme un étendard. « Yo, Tom ! T'es déjà en mode mannequin de serviette ? » lança-t-il, un sourire goguenard aux lèvres. Il attrapa une brosse à dents et commença à la secouer comme un micro. « Mesdames et messieurs, voici Tom, l'arbitre officiel du grand concours de brouette ! »Tom leva les yeux au ciel, éclaboussant de l'eau sur Max par réflexe. « Ferme-la, Max. T'as pas autre chose à faire que de casser les oreilles dès 7 heures du mat' ? »Léo entra à son tour, une serviette jetée sur l'épaule, son téléphone à la main. « Laisse-le, Max, il est en train de répéter son discours d'arbitre. Genre, ‘Olivier, plus vite, t'es pas un tracteur pour rien !' » Il imita une voix de commentateur sportif, ce qui fit ricaner Max.Olivier, traînant des pieds, apparut dans l'encadrement de la porte, les yeux encore à moitié fermés. « Vous parlez encore de cette brouette ? J'vous dis, je vais tous vous écraser. » Il rota, comme pour ponctuer sa phrase, et s'appuya contre le mur, manquant de glisser sur une flaque d'eau. « Merde, c'est qui qui transforme la salle de bain en piscine ? »« C'est Tom, » répondit Max sans hésiter, esquivant une nouvelle éclaboussure. « Il veut nous noyer avant le concours pour pas qu'on voie sa défaite. »Tom grogna, mais un sourire lui échappa. « Vous êtes insupportables. » Il attrapa son gel douche, prêt à battre en retraite, quand Martin entra à son tour, vêtu d'un t-shirt gris froissé et d'un short de sport. Ses cheveux étaient en bataille, comme s'il venait de se réveiller, mais ses yeux avaient cette lueur vive qui fit accélérer le pouls de Tom.« Salut, » dit Martin, sa voix encore rauque de sommeil. Il s'arrêta près du lavabo, à côté de Tom, et commença à se laver le visage, ses gestes lents, presque étudiés. « T'as bien dormi ? »Tom sentit une chaleur remonter dans ses joues. « Ouais, bof. À cause d'un certain concours spécial, j'ai pas arrêté de rêver de brouettes. » Il tenta un ton léger, mais sa voix trembla légèrement.Martin pouffa, éclaboussant de l'eau sur son t-shirt. « Désolé pour ça. Promis, je me tiens à carreau aujourd'hui. » Il leva les yeux vers Tom, et ce sourire – ce maudit sourire – refit surface, chargé de sous-entendus.Max, qui n'avait rien manqué de l'échange, siffla bruyamment. « Oh là là, regardez-moi ces deux-là ! On dirait un film romantique à l'eau de rose. Léo, passe le pop-corn ! »Léo, occupé à se raser, ricana. « Laissez-les, Max. Ils ont leur propre concours spécial à organiser. » Il fit un clin d'oeil exagéré, et Tom lui lança un regard noir.« Vous êtes lourds, » marmonna Tom, resserrant sa serviette par réflexe. Mais il ne pouvait pas ignorer la main de Martin qui frôla son bras, juste une seconde, en attrapant une serviette propre sur l'étagère.Olivier, qui semblait enfin réveillé, tapa dans ses mains. « Bon, les gars, sérieux. Ce concours de brouette, c'est quand ? Parce que j'ai besoin de m'échauffer. Et de manger une pizza. » Il se tourna vers Max. « T'as encore la mienne d'hier, non ? »« T'as rêvé, mec, » répondit Max en riant. « Mais ok, on organise ça cet aprèm. Règles officielles : équipes de deux, parcours dans le couloir, et le perdant paye la prochaine tournée de pizzas. »Léo hocha la tête, enthousiaste. « J'suis avec Olivier. On va vous laminer. »Martin jeta un regard à Tom, un sourcil levé. « Toi et moi, alors ? »Tom déglutit, son coeur faisant un nouveau salto. « Euh… ouais, pourquoi pas. Mais t'as intérêt à pas me faire tomber. »« Promis, » répondit Martin, et il y avait dans sa voix ce même fil tendu qu'hier soir, cette promesse qui n'avait rien à voir avec des brouettes.Max claqua des mains, faisant sursauter tout le monde. « C'EST PARTI ! Préparez-vous, les faibles, l'équipe Max-Olivier va tout déchirer ! »« Tu rêves, » lança Léo en riant, tandis qu'Olivier commençait à faire des étirements exagérés, manquant de renverser un flacon de shampoing.Tom, toujours devant le miroir, croisa le regard de Martin dans le reflet. « On parle après le concours ? » murmura-t-il, assez bas pour que les autres n'entendent pas.Martin hocha la tête, ses yeux ne quittant pas ceux de Tom. « Après le concours. Vraiment. »La salle de bain résonnait de rires, de provocations et du bruit de l'eau qui gouttait. Dehors, le campus s'éveillait doucement, mais dans ce petit espace embué, les cinq amis étaient déjà en train de construire un nouveau souvenir – un mélange de blagues idiotes, de défis absurdes et de quelque chose de plus profond, qui prenait racine entre deux regards échangés dans la vapeur du matin.
